dimanche 3 mai 2009

Polémique sur l'"atxiki" de Waltari

L'opinion - Tribune Libre Le JPB 23/04/2009
Après l'in(ac)cident de De Ezcurra
Jacques SALDUBEHERE / Membre de Pilotazain
L'«événement», dans ce milieu que l'on a encore improprement nommé avec un brin d'ironie réductrice le «mundillo» (terme pour moi réservé à l'hispanique tauromachie), a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive autour et dans les journaux et hebdos qui suivent l'actualité sportive et culturelle euskarienne, dont la Pelote basque est un élément non négligeable.
Qu'on veuille bien me pardonner d'en rajouter.
Tout d'abord pour souhaiter à Pascal, un peu oublié, un prompt rétablissement puis une reprise prudente et fructueuse de sa rééducation sur les kantxa.
Ensuite, pour donner un modeste avis sur l'autre facette de l'«événement» sur laquelle s'est polarisée la plus grande partie de la polémique : le geste de Waltari. Mais sans entrer dans la bataille de spécialistes que je ne suis pas, plutôt pour avoir un regard extérieur.
Si l'«a puño» du Cubain a pu déranger, force est de constater avec bien des témoins qu'il était largement utilisé par les pratiquants des pelotes locales tant à Cuba qu'au Mexique et aux USA, et sans doute ailleurs. (...)1 L'«a puño» en volée haute, public et pratiquants le connaissaient déjà. L'«a puño» latéral a démontré son efficacité. Il enrichit la Pelote basque d'une gestuelle maintenant banalisée.
Souvenons-nous qu'il n'est pas la 1re innovation à avoir été l'objet de chauds débats.
La naissance de la Pelote basque elle-même est le fruit de telles innovations. L'adjonction du caoutchouc dans les pelotes a commencé à personnaliser notre Jeu de Paume et sans doute à différencier tant le projectile, pour les mains nues ou avec une protection par des gants de plus en plus épais et longs, que les installations ouvertes et couvertes et diverses façons d'y jouer aussi bien face à face comme auparavant que côte à côte contre un mur, à «blaid» (pleka). Ces pratiques, spécifiques au Pays Basque, que l'on continuait à nommer «pilota», les non-bascophones les ont identifiées sous le terme générique de Pelote basque (...)2.
L'innovation qui a consisté à passer du coup glissé (xirrixt) du gant de cuir (esku larru) à la petite retenue (atxiki ttikia) du gant d'osier (xistera) et de la raquette cordée (xare) avait sans doute dérangé les usages. Mais elle est adoptée et vécue aujourd'hui comme un double enrichissement. (...)3
Si l'«a puño» de Waltari a suscité quelque débat, il suivra sans doute le même destin.
Mais n'est-il pas l'arbre qui cache aujourd'hui la forêt de maux bien plus profonds qui rongent la Pelote basque ? Si d'aucuns pensent qu'elle a besoin d'un «coup de grisou salvateur», croire que l'«a puño» latéral, même enseigné (comme le préconise X. Haran par provocation ), peut y apporter la solution, c'est regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. (...)4
A titre d'exemple, le problème de l'enseignement, justement, puisqu'il vient d'être cité. Depuis 2002 que Waltari s'est imposé en haut du podium amateur pour commencer, qui a cherché à expérimenter son geste, encore mieux à l'enseigner ? L'enseignement de la Pelote basque, tant dans et hors de l'école, n'est-il pas une des bases de son développement ? La FFPB n'est-elle pas dotée d'outils propres à répondre à la question ? Une Commission Main nue, une autre Pédagogique, une DTN... et que sais-je ? Mais s'il ne s'agit que de trouver une parade à Waltari, c'est encore prendre la lorgnette par le petit bout. Parce que si la Main nue, «spécialité reine» pour beaucoup car héritière directe du Jeu de Paume, faisait hier l'objet du débat, plusieurs siècles d'évolutions nous ont enrichi d'autres spécialités qui valent tout autant d'être enseignées. Certes, en toutes et sans exclusive, de méritants bénévoles de clubs continuent à s'atteler à la tâche. Certes, les appareils fédéraux cités ci-dessus ont défini et poursuivent de nobles objectifs pour relayer les structures fédérales. D'une part auprès des Clubs en formant et mettant à disposition des titulaires de Brevets d'Etat. D'autre part, à l'Ecole et dans le milieu enseignant en y encourageant les initiatives individuelles ou collectives, telles les créations de Sections Sportives, de Sections Sport Etudes, de Pôles,... tels les accords signés avec l'USEP ou l'UNSS, etc.
Mais, dans le 1er cas, combien de clubs et de communes s'attachent les services de tels personnels ? Dans combien de ces dernières le Patrimoine Pelote basque n'est-il pas laissé à l'abandon, rétrogradé loin derrière des ambitions sportives plus lucratives ?
Dans l'autre cas, la Pelote basque n'est toujours pas, dans l'Enseignement, un outil pédagogique généralisé d'Education Physique et Sportive ni dans le Primaire, ni dans le Secondaire, comme le sont considérés les Sports Collectifs, la Gymnastique, l'Athlétisme, etc. Ces derniers font l'objet de formations initiales en IUFM ou en STAPS et autres UEREPS. Quand la Pelote basque y sera-t-elle admise ? Peut-être le jour où l'on voudra bien la considérer comme un véritable patrimoine culturel vivant digne de faire l'objet, en Pays Basque et ailleurs, de projets sportifs de clubs, de projets sportifs de Communes, de projets pédagogiques d'Ecoles, de Collèges, de Lycées, de centres de Formation d'enseignants de tous niveaux.
Encore faudra-t-il que les voix autorisées, évoquant un autre problème, n'opposent pas la «nouvelle pelote» à la «vraie pelote». Qu'elles n'opposent pas ceux qui n'ont pas demandé à naître «à l'ombre du Baigura...» (ce qui les rendrait «malicieux et méfiants») à «l'étranger» quel qu'il soit. Quant on «préconise»... «rencontres, fraternité, partage...» (je suis pour, qui ne le serait pas ?), pourquoi oublier de citer «dans la pelote internationale, dans ce milieu cosmopolite» pour lequel le signe de ralliement est la Pelote... basque, justement ceux qui y sont le plus attachés car cette pelote sous toutes ses formes est d'abord la leur et justement reconnue comme telle : les Basques ? On ne peut détacher d'une pelote «arc-en-ciel» ni la couleur d'une spécialité (selon les goûts, elles se valent toutes), ni la couleur d'un pilotari (fut-il Cubain ou Basque). Si une couleur lui manque, l'arc-en-ciel n'est plus un arc-en-ciel. Le plus beau bouquet, fut-il olympique, ne le vaudra jamais. Alors n'est-il pas du devoir de la FIPV de chercher et trouver les moyens de le garder tel quel et de réunir tous les pilotari sans exclusive ?
Mais ce ne sont là qu'exemples de pistes de réflexions qui méritent, tout autant que la question de l'«a puño» latéral, de faire l'objet d'un débat public, non pas spontané, comme ce dernier, mais conduit avec toute la sagesse voulue, et organisé, pour aider Ligues et Fédérations (dont la FIPV) à mieux connaître et «répondre à» toutes «les attentes». (...)5

(...) = Passages « oubliés » par LeJPB :
1/ ..."Celui des pratiquants des pelotes provençale et valencienne y ressemble fort. EPB nous a donné l'occasion, en octobre 2008, d'en faire apprécier l'usage courant chez les pratiquants d'une version moderne et américanisée de Pelote, le Frontball. Des représentants des nations déjà citées y participaient, et Sud Ouest annonçait en outre dans son encart : « Porto Rico, République Dominicaine, Euskadi, San Salvador, France » . Nos pilotari s'y étaient mieux que bien comportés et le nombreux public avait apprécié."
2/"..., de même que les fédérations nationales et internationale créées au début du 20e siècle pour les inventorier, s’en enrichir mutuellement, les codifier et les développer. Elles se sont elles-mêmes ainsi identifiées."
3/...«On sait mieux que celle qui a conduit à la mise au point du « grand chistéra » et à son adoption a bousculé habitudes et mentalités au point que les puristes et tenants du « petit » xistera l’ont baptisée « joko garbi » ou « limpio » (jeu propre) par dérision et opposition à la nouvelle spécialité apparue. Aujourd’hui, l’une et l’autre coexistent toujours en place libre et, chacune de leur côté, en s’adaptant à l’installation en honneur au Pays Basque Sud et partout reproduite, d’abord ouverte puis couverte, ont engendré de nouvelles et très prisées spécialitées, le Joko Garbi et la Cesta Punta, en mur à gauche de 36 m et long respectivement.
Notre Pelote Basque, en intégrant le fruit de toutes ces innovations, s’est enrichie d’elles, et réciproquement. Depuis la nuit des temps, d’autres domaines de la culture et du patrimoine basques se sont ainsi mutuellement intégrés et enrichis."
4/ ..." Au cours de ce débat, d’autres questions ont été évoquées sans être toutefois approfondies."
5/ ... "L’Association Pilotazain a déjà avancé cette idée. Il ne manque pas de spécialistes en tous genres et d’esprits ouverts, tant dans le monde pilotazale que dans d’autres domaines, pour penser qu’il n’est pas trop tôt pour se mettre autour d’une table. Pilotazain a déjà proposé et est disposée à co-organiser ce genre de rencontres et à y participer. Des bonnes volontés ont déjà accepté de partager ces idées.
Bienvenue à tou(te)s ceux et celles qui voudront se faire connaître pour enrichir les échanges. »